Discours au «Congrès Économique de Turquie», Izmir, 1923
« Congrès 1923 économique : de Turquie » à Izmir, le 17
Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d’être ici, devant vous, respectés et vénérables représentants du peuple, réunis dans le but sacré patriotique, vital et national de chercher et trouver les facteurs de développement économique de notre Turquie bien aimée.
Messieurs,
Je souhaite plein succès à vos travaux destinés à guérir les plaies causées dans notre société par de longues négligences et profondes irresponsabilités durant des siècles, à trouver les chemins qui mèneront le pays à la prospérité et la nation au bien-être et au bonheur.
Camarades,
Vous venez directement du sein même des classes populaires qui représentent notre nation et vous êtes désignés par elles. Ainsi, vous connaissez mieux que personne l’état actuel et les besoins de notre pays, les détresses et les aspirations de notre nation. Les propos que vous allez tenir, les mesures que vous allez préconiser, sont, de ce fait, considérés comme émanant directement du peuple lui-même, et acquièrent, ainsi, la plus grande justesse. Car, la voix du peuple, c’est la voix de Dieu.
Messieurs,
En cherchant les causes de l’épanouissement et de déclins de notre nation, l’histoire dénombre et énumère de multiples facteurs politiques, militaires et sociaux. Il n’y a point de doute que tous ces facteurs ont en effet leur influence sur la vie des sociétés.
Cependant, ce qui intéresse directement la vie même d’une nation, c’est son économie. Cette vérité que confirment l’histoire et l’expérience, se vérifie totalement dans notre vie et dans notre histoire nationale aussi. En effet, si l’on étudie l’histoire turque, on s’aperçoit immédiatement que les causes de nos grandeurs et de nos déclins ne sont rien d’autres que des questions économiques.
Messieurs,
Toutes les victoires et toutes les défaites qui remplissent notre histoire sont liées et en rapport avec l’état de notre économie.
Ainsi, pour faire accéder la Nouvelle Turquie au niveau de développement qu’elle mérite, il est absolument impératif et urgent que nous accordions, au premier chef, la plus grande importance à notre vie économique. Car, notre temps n’est, dans son ensemble, qu’une époque économique.
Sous cet angle, il est curieux et intéressant de constater ce fait qu’une nation, la nôtre, ne se préoccupe pas, ne puisse pas se préoccuper de l’économie, qui lui assure, pourtant, ses facteurs vitaux, sa prospérité et son bonheur. Nous devons nous avouer pourtant que nous n’avons pas su accorder l’importance nécessaire à notre économie. Ce désintérêt vis-à-vis des facteurs de la vie, cet empêchement, sont très liés aux époques vécues et à l’histoire qui détermine ces époques. Nous pouvons donc en chercher les causes dans les époques que nous avons traversées et tout spécialement dans notre histoire. À vrai dire, nous n’avons jamais vécu une ère vraiment nationale jusqu’ici au sens réel du terme. Nous n’avons guère eu, de ce fait, d’histoire nationale.
Pour pouvoir expliquer tant soit peu ce point, rappelions-nous, ensemble, l’histoire ottomane : tous les efforts faits, tous les sacrifices consentis, l’ont été non pas selon la volonté et les besoins réels de la nation, mais pour satisfaire les aspirations et les ambitions personnelles des uns et des autres. Par exemple, Mehmet le Conquérant, après avoir conquis Istanbul, c’est-à-dire après avoir hérité du Sultanat Seldjoukide et de l’Empire romain oriental, main occidental. a voulu s’emparer Il a ainsi aussi mobilisé de l’Empire toute la narration vers cet objectif.
Prenons le sultan Yavuz Selim : Tout en préservant le front occidental ouvert par Mehmet le Conquérant, il a voulu aussi réaliser la Grande Union Islamique en unifiant l’Empire asiatique.Soliman le Magnifique, de même, a voulu suivre une politique impériale destinée à élargir ces deux fronts, à faire de toute la Méditerranée un bassin ottoman et à établir son influence sur l’Inde, a utilisé, lui aussi, l’élément principal, c’est-à-dire la nation.
Camarades,
A l’étude de tous ces actes et mouvements, on voit aisément que ces puissants et impressionnants sultans ont basé leur politique extérieure sur leurs propres désirs, aspirations et ambitions et ont été, de ce fait, contraints de déterminer leur
Eyüboğlu Ercan. Discours inaugural de Mustafa Kemal au «Congrès Économique de Turquie», Izmir, 1923. Justesse et/ou justification d’un choix. In: Anatolia moderna – Yeni anadolu, Tome 5, 1994. pp. 101-115